Cette rando avec un dénivelé de 720 mètres ne devrait normalement pas poser problème. Mais la neige change entièrement la donne. En effectuant ce parcours le 14 novembre, j’ai pu l’apprendre à mes dépens quand mes pattes se noyaient dans une poudreuse assez haute pour cacher le sentier et son balisage. Ce jour-là il m’eût été impossible de trouver ce lac Nègre, pourtant à quelques minutes du but. Revanche !
En voyant l’arrière-pays déneigé, je suppose qu’il en est de même pour le haut-pays. Direction donc le Boréon pour retrouver la lac Nègre, perdu ce 14 novembre. Je me rends vite compte que penser « moins de neige en décembre qu’en novembre » est une hérésie. Je ne parviens même pas à mener ma voiture au parking de Salèse, départ du parcours pédestre. Depuis la ville du Boréon, les 7 kilomètres de « route » à monter sont enneigés, ou plutôt glacés. C’est inévitable, cette fois je dois chaîner. Je roule tranquille quand la chaîne gauche casse en passant sur un caniveau en travers de la route et caché par le neige. Les deux roues y sont empêtrées. 1 seule chaîne sur roue motrice revient à ne pas être équipé (or véhicule 4×4). La voiture est coincée avec une chaîne enroulée autour de son essieu gauche. Il me faut démonter la roue pour la démeler et en faire une « demi-chaîne » qui me permet de reculer le mètre nécessaire à sortir du caniveau. Mais ma bidouille de fortune recasse, s’enroule à nouveau autour de l’essieu au point d’empêcher la roue de tourner. Démontage de roue + démélage des noeux de chaîne : seconde ! Cette aventure dure une heure et demie au cours de laquelle je passe une bonne partie à ne plus sentier mes doigts frigorifiés. Décidément, ce lac ne veut pas de moi ? Je suis pourtant bien décidé à graver mon nom sur sa surface gelée. J’en ai encore le temps, mais il faut partir maintenant. Je laisse donc la voiture sur le bas-côté et fait à pied les quelques kilomètres qui me séparent de mon point de départ originel.
Malgré une bonne épaisseur, la neige est plus tassée, elle a « bougée » et m’autorise une marche plus facile qu’au mois de novembre. Plusieurs monticules de neige fraîche, signes de récentes avalanches, me barrent le passage. Je suis contraint de changer mon itinéraire qui pointait droit vers le prochain col (de Salèse). Col atteint et après un délicat passage verglacé en dévers, je retrouve des traces de raquettes qui semblent mener à mon but. A 2100 mètres, la neige est plus fraîche et n’a pas encore bougée. Je m’enfonce de 50 à 80 cm à chaque pas. Comme en novembre, j’en bave mais… j’ai les conditions météos avec moi pour m’encourager : soleil, ciel bleu, aucun vent. Je marche encore une bonne heure et demie avant de revérifier mon altitude. Mon GPS rando m’indique 2560 mêtres, soit 200 mètres au dessus de ce satané lac. J’effectue un tour d’horizon : aucune étendue plane blanche, aucun lac en vue. En revanche, j’aperçois un skieur de randonnée. Il se trouve en contre-bas à quelques centaines de mètres. J’extrapole sa trace prochaine et me déplace à flanc de montagne pour tenter de l’intercepter. Chose faite, je lui demande où se trouve ce lac Nègre si bien caché. Contrarié par mon intervention qui le déconcentre dans sa langoureuse montée, il m’explique avec condescendance que je suis en route pour la cime de Frémamorte qui marque la frontière avec la frontière italienne. Il se tourne alors d’un quart de tour pour me désigner une large zone d’ombre. Je dois la pointer pour retrouver mon lac, et donc redescendre pour remonter. Décidément, ce lac ne veut pas de moi ? Aussitôt son dernier mot prononcé, il baisse la tête vers ses spatules et se remet à avancer, me signifiant ainsi que notre brève communication venait d’être coupée. C’est non sans effort ni rage que je fais ma nouvelle trace dans la poudreuse qui me relie à la zone d’ombre désignée par ce charmant skieur. 1 heure passe, j’ai les pieds trempés mais chaud, et il est temps de vérifier mon altitude. Quand je tourne la tête pour sortir le GPS de mon sac à dos, j’aperçois plus bas une étendue plane et blanche. Je surplombe mon lac tant attendu, ma récompense. Vidéos, photos, roulades dans la neige, hiphiphourra, tout y passe et je m’installe non loin, à le contempler le temps d’un long déjeuner.
Ayant profité largement de mon dû et d’un beau temps très impropable pour cette saison à cette altitude (je suis en tee-shirt/short/pieds nus sur mon rocher déjeuner), ma marche du retour se fait en grande partie dans la nuit. Heureusement, ayant « pointé » les coordonnées GPS de ma voiture avant de partir, je suis guidé et serein. Je rentre à quai, ravi de ma journée. Les quelques glissages et chutes sur coxis ne réussiront pas à me la ternir.
NB: smartphone HS donc nouveau téléphone à l’ancienne, d’où ces photos de basse qualité.