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3 nov – Port de Vénasque (4/4)

Au départ du lieudit de l’Hospice de France (qui n’est en rien un hospice), je commence une longue et lancinante montée ombragée, juste milieu entre « ça monte cool… » et « cool, ça monte ! ». Pourtant pas difficile, le rythme des pas est difficile à trouver. Un vent glacial, qui remonte régulièrement la pente par rafale, n’aide pas beaucoup, surtout qu’il court plus vite que je ne marche.

2 heures plus tard, je suis toujours dans cette même et unique ascension de l’aller, à m’user les pattes peu rodées. Un dernier ressaut plus sportif, où je me sens plus à l’aise, m’annonce le début de la fin de cette moitié de rando. Là le paysage autour de moi change. Déjà, le vent ne souffle plus par rafale, mais régulièrement et plus violemment. Ensuite, l’herbe et la terre ont laissé place à de la roche foncée, striée et acérée. Je ne peux pas me tromper car le seul passage à travers cette roche, qui forme plus ou moins des falaises, est un couloir large de 2 ou 3 mètres à peine. Ce couloir laisse entrevoir la vallée qui se trouve de l’autre coté. Effectivement, une vingtaines de mètres plus tard, je bénéficie d’un panorama à 180 degrés et ça ne pourra que descendre depuis ce point. La vue n’est pas très diversifiée : prairies, montagnes, et au loin montagnes avec neige, mais c’est agréablement pastoral, j’apprécie vraiment. Encore 20 mètres en descente cette fois-ci et le vent disparait. Encore 200 mètres et le soleil fait son apparition. Encore 500 mètres, mon spot déjeuner m’attend.

Le premier randonneur que je rencontre, arrive de là où je dois repartir. Il s’arrête, intrigué par mon sandwich au truc bizarre qui dépasse du pain. J’en profite pour lui demander où on est, ce qu’il a vu par où il vient, si je peux regagner l’Hospice de France par son itinéraire, et puis « c’est quoi ce Port de Venasque et il est où ? ». Bref, les questions habituelles d’un randonneur aguerri. Là, je le vois sourire gentiment avant de pointer du doigt le couloir en crête que j’ai passé 30 min auparavant : « Si tu viens de l’Hospice de France, tu as forcément passé le Port de Venasque qui se trouve là-haut. Le mot Port, dans le cadre de la montagne, signifie Porte en espagnol et désigne un passage frontalier. Ici on est en Espagne. ». Bah j’ai bien l’air con moi maintenant. Étant raisonnablement pas crétin, je me doutais bien qu’à 2000 mètres d’altitude, je ne verrais pas un port rempli de bateau de plaisance en train de croupir à quai. Mais de là à m’imaginer que Port signifie Porte… Si tu le sais pas, tu le sais et puis Porte se dit Puerta en espagnol ! Encore un patois local sorti du fin fond d’un bourg de montagne déserté ;). Pourquoi en montagne, rien n’est ce qu’il est ? Un hospice n’est pas un hospice, un port n’est pas un port, un pont n’est pas un pont (cf Pont d’Espagne), etc… bah comment que je fais moi après pour m’y retrouver ? Y a marqué « pont », moi je cherche un pont quoi :).

Devant le randonneur pourtant pas néophyte mais bel et bien naïf que je suis, ce sympathique diplomate ne me prend pas de haut. Au contraire, il m’explique son itinéraire et me conseille de le suivre en sens inverse pour regagner l’Hospice de France. J’évite ainsi la longue marche dans la montée qui devrait, en sens inverse et si je ne me trompe pas, devenir une descente. En plus j’aurais droit à un changement total de paysage, avec de grandes plaines à la Pyrénéennes. Je prends cette option et lui demande plus de précision : « par où je passe ? ». Et voilà le moment crucial de la sortie de carte IGN chère au « randonneur que lui y se perd pas, le gars ». Bon c’est un choix, mais je randonne sans carte ni montre (enfin jusqu’à ce que je trouve le tel dans mon sac 5 jours plus tard). Pour l’itinéraire, je lis avant de partir ou j’embarque avec moi la page du topo qui m’intéresse. Pour avoir l’heure, je n’ai besoin que de mon savoir-faire : je regarde la position du soleil dans le ciel et peux dire avec grande précision : « il fera nuit tout à l’heure ». Mais le randonneur plus avisé « ka toujours la carte IGN sur lui » sort cette même carte à la moindre occasion. « Par où faut passer ? », hop sortie de carte. « D’où tu viens ? », hop sortie de carte. « Tu connais la météo locale pour demain ? », hop sortie de carte. « Moi c’est Vince, et toi ? », hop sortie de carte. « On fait un scrabble ? », hop sortie de carte. La carte IGN est le saint Graal du randonneur, tout y est inscrit, noté, défini, ça prédit l’avenir et c’est connecté à Facebook. Moi je prends ça en mains et si j’ai de la chance, elle est dans le bon sens. Ca me donne plus d’assurance quand je fais la tête du gars qui comprend à quoi servent les jolies lignes décoratives sur le dessin de la montagne.

Pour le coup, ma question « Par où je passe ? » mérite effectivement une séance en présence du Saint Graal des randonneurs. Employant des termes Saint-Graalistes, je ne comprends pas tout ce qu’il m’explique, mais ça ne se voit pas sur ma tête. Et puis c’est par là-bas !

Je remercie grandement ce randonneur (désolé, je ne me souviens plus de son nom) car en plus d’éviter un aller-retour toujours moins plaisant qu’une boucle, son itinéraire m’a séduit. Il passe par un chemin de crête plutôt impressionnant visuellement. Il permet ensuite de traverser les vastes plaines (ou prairies de plaine) caractéristiques des Pyrénées. Bon c’est sûr, ça fait « vache qui rit dans le pré » : pas un cailloux par terre, c’est tout propre, tout beau. Les gars de la déco ne se sont même pas laisser aller à poser une petite pierre dans le cadre, un caillounet entre deux brins d’herbes…non. Z’ont raison car ces plaines n’ont besoin d’aucun bibelot superflu. C’est paisible, accueillant, reposant. Je me vide la tête et prends mon temps pour apprécier l’endroit au maximum.

Cette nuit, je crois que j’ai dormi en lévitant légèrement au dessus de ma barre de fer…;)